S’engager pour la liberté d’expression

Samedi 7 janvier 2023, le recteur Karim Benmiloud et les autorités civiles et militaires se sont retrouvés devant l’arbre de la liberté du square Blaise Pascal et à l’Hôtel de ville de Clermont-Ferrand afin de rendre hommage aux victimes des attaques terroristes islamistes de janvier 2015.

Les élèves du lycée Gergovie, des collèges Charles Baudelaire et la Charme étaient présents pour se souvenir et donner du sens à ce temps de recueillement.
Ils ont ainsi lu un extrait du témoignage de Philippe Lançon, journaliste à Charlie Hebdo, qui avait été grièvement blessé à la mâchoire le 7 janvier 2015, ainsi qu’un extrait du discours de Victor Hugo devant l’assemblée constituante en 1848 sur la liberté de la presse.

Philippe Lançon, journaliste à Charlie Hebdo, a été grièvement blessé à la mâchoire, défiguré, le 7 janvier 2015, lors de l’attentat de Charlie. Il raconte dans "Le Lambeau" comment sa vie a basculé dans l’horreur. Voici un extrait de la description de son ressenti des instants d’après ce terrible attentat :

" Je me suis peu à peu mis sur le côté, puis redressé et adossé au mur, assis par terre, face à l’une des entrées. J’ai passé la main sur mon cou et je me suis aperçu que mon écharpe était toujours là, mais trouée. Devant moi il y avait, presque sous la table, le corps de Bernard et, juste à côté, dans le passage et sur le dos, celui de Tignous.

Je n’ai pas vu sur le moment ce que le rapport de police, lu dix-huit mois plus tard, m’a révélé : un stylo restait planté droit entre les doigts d’une main, en position verticale. Tignous était en train de dessiner ou d’écrire quand ils ont fait irruption (…)

Tignous est mort le stylo à la main comme un habitant de Pompéi saisi par la lave, plus vite encore, sans même savoir que l’éruption avait eu lieu et que la lave arrivait, sans pouvoir fuir les tueurs en disparaissant dans le dessin qu’il était en train de faire.

Tout dessinateur dessinait sans doute pour avoir le droit de s’en aller dans ce qu’il dessinait, de même qu’un écrivain finissait par se dissoudre, pour un temps, dans ce qu’il écrivait. Cette dissolution n’était pas une garantie de survie ni même de qualité, mais elle était une étape nécessaire sur le chemin qui pouvait y conduire.

Cette fois, non seulement ce droit à la dissolution avait été refusé aux dessinateurs, mais il était arrivé exactement l’inverse : on les avait fait entrer de force dans un dessin qu’ils n’avaient pas imaginé et ils n’en étaient plus sortis.

Si les tueurs étaient des possédés, mes compagnons morts étaient les dépossédés. Dépossédés de leur art et de leur violente insouciance, dépossédés de toute vie. "

Philippe Lançon, Le Lambeau, Ed Gallimard, avril 2018.

Victor Hugo et la liberté de la presse

" Permettez-moi, messieurs, en terminant ce peu de paroles, de vous dire, de déposer dans vos consciences une pensée qui, je le déclare, devrait, selon moi, dominer cette discussion : c'est que le principe de la liberté de la presse n'est pas moins essentiel, n'est pas moins sacré que le principe du suffrage universel.

Ce sont les deux côtés du même fait. (Oui ! Oui !).

Ces deux principes s'appellent et se complètent réciproquement. La liberté de la presse à côté du suffrage universel, c'est la pensée de tous éclairant le gouvernement de tous. Attenter à l'une , c'est attenter à l'autre. (Vive approbation à gauche).

Eh bien, toutes les fois que ce grand principe sera menacé, il ne manquera pas, sur tous ces bancs, d'orateurs de tous les partis pour se lever et pour protester comme je le fais aujourd'hui.

La liberté de la presse, c'est la raison de tous cherchant à guider le pouvoir dans les voies de la justice et de la vérité. (Sensations diverses).

Favorisez, messieurs, favorisez cette grande liberté, ne lui faites pas obstacle ; songez que le jour où, après trente années de développement intellectuel et d'initiative par la pensée, on verrait ce principe sacré, ce principe lumineux, la liberté de la presse, s'amoindrir au milieu de nous, ce serait en France, ce serait en Europe, ce serait dans la civilisation tout entière l'effet d'un flambeau qui s'éteint ! (Sensation). "

Discours à l’Assemblée constituante, 11 septembre 1848.

Cette année, le livre d'or, créé dès 2016, a été transmis par les élèves du lycée Gergovie à ceux du collège La Charme pour un an. Il pourra recueillir les résultats de leurs réflexions sur la défense de la liberté d'expression, la tolérance, la laïcité et les valeurs de la République, avant d’être remis à un nouvel établissement l’année prochaine.

Mise à jour : janvier 2023