Élèves à haut potentiel

Une question paradoxale, mais bien réelle pour l’école

En France, la question des enfants ayant des capacités intellectuelles qui dépassent l’ordinaire (élèves à haut potentiel, ou EHP, depuis 2019) est apparue de manière structurée et particulière au cours des années 1970. Durant cette période, des parents et des professionnels (médecins, psychologues et enseignants) ont pris conscience d’un phénomène jusque-là très peu pris en considération, souvent confiné au thème des « génies » et de leur histoire singulière ou bien réduit à des appréciations péjoratives et suspicieuses. Les travaux du psychologue Jean-Charles Terrassier sont à cet égard fondateurs dans notre pays d’une réflexion sérieuse et cohérente sur ce qui apparaît comme une problématique digne d’intérêt concernant 2 à 5 % des élèves.

En effet, si ces enfants présentent des capacités intellectuelles remarquables, dûment identifiables par les psychologues, et si beaucoup d’entre eux suivent une scolarité heureuse, une partie d’entre eux connaît des difficultés sérieuses au cours des apprentissages scolaires. La prévalence des troubles de l’apprentissage est importante parmi eux. Certains de ces enfants sont confrontés à une difficulté réelle au cours de leur parcours scolaire et ils peuvent même connaître un échec grave avant d’atteindre le lycée. Cette situation paradoxale perturbe tous les acteurs qui accompagnent ces enfants sans y être préparés. Elle interpelle l’école. C’est pourquoi en 2001, le ministre de l’Éducation nationale Jack Lang a missionné un inspecteur d’académie pour organiser un groupe de travail et lui rendre un rapport sur la scolarisation des élèves intellectuellement précoces. En janvier 2002, le rapport de Jean-Pierre Delaubier fut rendu public. Il officialisait la réflexion menée au cours des précédentes décennies.

L’enfant à haut potentiel qui se retrouve en difficulté est caractérisé par un fonctionnement cognitif spécifique qui concerne les processus d’apprentissage, de compréhension et d’attention. On peut observer en lui un fort décalage entre son développement psychomoteur et affectif d’une part, et de son développement intellectuel d’autre part. De nombreuses caractéristiques touchant les capacités cognitives, mais aussi socioaffectives et comportementales sont observables à des degrés plus ou moins prononcés. De ce fait, chaque enfant intellectuellement précoce présente un tableau spécifique qui justifie une approche personnalisée.

« En tout état de cause, et il est important d'insister là-dessus, la précocité intellectuelle n'est pas une pathologie et n'est la conséquence d'aucune déficience, elle ne provient pas d'une altération physique ou psychique. Elle reste un mode de fonctionnement intellectuel particulier qui engendre des caractéristiques et génère des besoins particuliers. » 
Jean-Marc Louis & Fabienne Ramond in Scolariser l'élève intellectuellement précoce (Dunod, 2e édition, avril 2013)

Une reconnaissance officielle
avec des instructions affirmées

Désormais, la question des élèves intellectuellement précoces (ou à haut potentiel intellectuel) relève du domaine des besoins éducatifs particuliers.

Depuis la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école de 2005, la problématique des élèves intellectuellement précoces est prise en charge par des textes officiels qui légitiment des adaptations pédagogiques et une formation à cette question pour les enseignants, de la maternelle à l’entrée au lycée.

En octobre 2007, une circulaire a été publiée pour donner des instructions concernant les « parcours des élèves intellectuellement précoces ou manifestant des aptitudes particulières à l’école ou au collège ». Dans chaque académie, le recteur est appelé à désigner un « référent élèves intellectuellement précoces » qui est un professionnel ressource pour les parents et la communauté éducative.

En novembre 2009, une deuxième circulaire a complété la première et a introduit un « guide d’aide à la conception de modules de formation pour une prise en compte des élèves intellectuellement précoces ».

En avril 2013, la circulaire de préparation de la rentrée scolaire demandait : « Une attention particulière devra être accordée aux élèves intellectuellement précoces pour qu’ils puissent également être scolarisés en milieu ordinaire. À cet effet, dès la rentrée 2013, chaque enseignant accueillant dans sa classe un élève intellectuellement précoce aura à sa disposition sur Eduscol un module de formation à cette problématique ».

Enfin, en juillet 2013, la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République a introduit dans les principes du service public de l’éducation celui de l’école inclusive et la reconnaissance des besoins éducatifs particuliers, cela dans le droit fil de la déclaration de Salamanque de l’Unesco en juin 1994 sur les besoins éducatifs spécifiques et de la Déclaration des jeunes à Lisbonne en septembre 2007 sous l’égide de l’Union européenne qui dispose que : « Nous trouvons que l’éducation inclusive présente de nombreux avantages : nous acquérons davantage de compétences sociales ; nous vivons des expériences plus riches ; nous apprenons comment nous en sortir avec le monde réel ; nous voulons avoir et nous mélanger avec des amis ayant et n’ayant pas de besoins particuliers. […] l’éducation inclusive est mutuellement bénéfique à tous. »

Comme le prévoyait la circulaire de préparation de la rentrée, en septembre 2013 la Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) a publié et mis à disposition des équipes éducatives un module de ressources d’accompagnement pédagogique intitulé : Scolariser les élèves intellectuellement précoces (EIP).

En avril 2019, la DGESCO a publié un nouveau

dans lequel le directeur général de l'enseignement scolaire rappelle les principes : « L’École doit accueillir tous les élèves, sans aucune distinction. Pour que cette école devienne pleinement inclusive, nous avons à cœur de la faire évoluer, afin que tous les élèves à haut potentiel puissent s’y développer et s’y épanouir. » Ce vademecum développe de nombreux outils à destination des enseignants et des personnels de l’Éducation nationale, afin de repérer ces élèves et de leur proposer les solutions les plus adaptées.

Sauf cas extrêmement particuliers, les élèves à haut potentiel ont vocation à poursuivre leur scolarité dans les établissements de leur secteur en bénéficiant d’un parcours personnalisé.

Des acteurs aux statuts variés
pour un partenariat éducatif concerté

L’enseignant

C’est souvent lui qui observe dans la classe et dans l’établissement les particularités de l’élève à haut potentiel, sans forcément identifier l’origine de ces particularités. Sa place fait de lui l’interlocuteur privilégié des parents de l’enfant et des autres professionnels qui seront conduits à travailler sur la problématique dans le cadre d’un partenariat éducatif concerté. Surtout, c’est lui qui est chargé de mettre en œuvre la prise en charge pédagogique qui répond aux besoins de l’élève intellectuellement précoce.

Le psychologue de l'éducation nationale (PsyEN)

Ces professionnels de l’Éducation nationale sont compétents pour évaluer le développement et le fonctionnement intellectuels de l’enfant sur la base d’un examen psychologique approfondi. Cet examen met en évidence les particularités cognitives, mais aussi socioémotionnelles et comportementales qui composent la personnalité de l’élève. Le psychologue de l'éducation nationale est aussi habilité à recueillir les examens psychologiques faits par d’autres psychologues. Sur ces bases, il est à même de répondre aux questions des parents, des élèves et des enseignants et éducateurs. Il est souvent le premier acteur de la problématique pour contribuer à la traiter dans un partenariat bienveillant et constructif.

Le médecin et l’infirmière scolaires

Tous deux peuvent être interpellés par l’équipe pédagogique ou par les parents sur la base des signes de mal être de l’enfant (repli sur soi, attitude dépressive, attitude agressive ou violente, forte instabilité en classe, absentéisme en développement). Dans le cadre de leurs compétences respectives, le médecin et l’infirmière scolaires peuvent participer à l’élucidation de l’origine des troubles et au partenariat qui s’impose pour apporter un accompagnement éducatif adapté et bienveillant.

Le directeur d’école et le chef d’établissement du second degré

Dans le cadre de leur mission et de leur rôle éminent dans la bonne marche de l’école, les directeurs et chefs d’établissement sont de fait partie prenante de la problématique de tous les élèves à besoins éducatifs particuliers. Ils sont garants de la construction et du parcours de l’élève à haut potentiel et veillent à ce que les partenariats qui s’imposent puissent être effectifs dans les meilleures conditions pour les élèves.

Le référent académique

Chargé de rassembler les ressources sur la problématique des EHP, il répond aux questions des familles et sensibilise tous les acteurs de l’institution. Il s’attache à promouvoir la formation des professionnels de l’éducation nationale dans ce domaine. Il travaille en liaison étroite avec les inspecteurs territoriaux et les chefs d’établissement et assure une relation de qualité avec les associations partenaires de l’école qui œuvrent dans le domaine des enfants intellectuellement précoces.

Actuellement, le référent académique est monsieur Dominique Momiron, inspecteur de l’éducation nationale, conseiller technique ASH auprès de monsieur le recteur. Coordonnées : ecole-inclusive(@)ac-clermont.fr — 04 73 99 35 08

Il est assisté par des groupes départementaux EHP :

Les acteurs extérieurs

Les parents

Ils jouent un rôle déterminant, tant pour la reconnaissance de la précocité intellectuelle de leur enfant que pour son accompagnement durant tout son parcours scolaire. Ils ont très souvent été les premiers témoins des particularités psychologiques de l’enfant dans la vie familiale et de ses premières difficultés dans son rapport à l’école.

Il est indispensable d’engager avec eux un partenariat bienveillant et compréhensif, car ils sont souvent très inquiets et confrontés à des questions difficiles. La reconnaissance des besoins éducatifs particuliers de leur enfant a souvent un effet thérapeutique immédiat pour lui, en permettant des adaptations efficaces.

Certaines phases sensibles exigent une prise en compte attentive des parents d’enfant intellectuellement précoce présentant des difficultés à l’école : diagnostic, passage au collège, orientation.

Les praticiens en dehors de l’école

Pour certains enfants intellectuellement précoces, un accompagnement par des professionnels du secteur médicosocial ou du secteur libéral est parfois nécessaire : soutien psychologique, en psychomotricité.

Il est fortement recommandé que ces professionnels soient inclus dans le partenariat construit pour le parcours scolaire de l’enfant. Les échanges avec eux permettront une meilleure connaissance de l’enfant et de ses besoins éducatifs particuliers.

Les associations spécialisées partenaires de l’école

Ces associations sont souvent les premiers partenaires des parents confrontés à une situation qui les inquiète fortement. Elles apportent leurs conseils et leurs connaissances des dispositifs. En France, elles ont joué un rôle important dans la reconnaissance de la problématique liée aux difficultés de la scolarité des enfants ayant des capacités intellectuelles remarquables, problématique qui fut longtemps considérée de manière superficielle ou péjorative dans le pays. Elles ont soutenu les recherches scientifiques et pédagogiques dans ce domaine. Les plus importantes d’entre elles sont devenues partenaires de l’école et visent à œuvrer pour l’inclusion scolaire dans les meilleures conditions possibles des enfants intellectuellement précoces rencontrant des difficultés à l’école. Outre les parents, de nombreux professionnels concernés (dont des enseignants) sont adhérents et acteurs de ces associations. Ces associations apportent volontiers leur concours à la formation initiale et continue des professionnels de l’éducation.

Des dispositifs et des adaptations pédagogiques disponibles
dans le système scolaire

En fonction des besoins éducatifs soigneusement identifiés de l’élève, de sa situation dans le parcours scolaire et des ressources et contraintes locales, l’équipe éducative pourra mobiliser certains des dispositifs et adaptations pédagogiques disponibles dans le service public de l’éducation. Rien n’est systématique. Il s’agit de répondre au mieux aux besoins particuliers, sans perdre de vue que ceux-ci sont susceptibles d’évoluer avec la maturité et les progrès de l’élève.

On trouvera dans le vademecum publié par la DGESCO tous les éléments de description de ces outils.

Adaptations pédagogiques mobilisables :

  • La différenciation pédagogique
  • Le tutorat par les adultes
  • L'enrichissement du parcours
  • Le décloisonnement
  • L'accélération du cursus
  • La mise en œuvre d'un espace dédié

Outils mobilisables :

Mise à jour : janvier 2023